[Interview] Pro bono ou philanthropie ? Ce que révèle l’engagement des avocats au service des causes sociales
Le pro bono est-il une simple option ou un vrai levier d’engagement pour les avocats? Réponses sans détour.
Injustices criantes, délais indécents, causes délaissées : pour certains avocats, s’engager pro bono est une évidence. Pourtant, le terme de « philanthropie » ne fait pas l’unanimité dans la profession. Dans cet article, Maître Caroline Mecary partage sa vision lucide et engagée de ce que signifie, concrètement, défendre bénévolement des dossiers qui font avancer le droit. Une plongée dans le quotidien de l’engagement juridique.
À retenir :
Le pro bono est un acte volontaire et structuré, bien distinct de la philanthropie. Issu du latin pro bono publico (« pour le bien public »), il désigne le travail bénévole effectué par des professionnels, notamment des avocats, au service de l’intérêt général. Il répond à une logique d’utilité sociale et d’accès au droit pour tous.
- La philanthropie, concept anglo-saxon, ne colle pas à la culture judiciaire française
- Le pro bono est un choix professionnel assumé et encadré
- Il s’inscrit dans une logique de justice sociale et d’égalité des droits
- Il offre une forte satisfaction morale, au-delà de la rémunération
- C’est un levier d’impact pour faire évoluer le droit
@XavierHeraud
Qui est Maître Caroline Mecary ?
Avocate au barreau de Paris depuis 1991, Maître Caroline Mecary est une figure incontournable de la défense des droits humains en France. Elle est reconnue pour son expertise en :
- Droit des libertés fondamentales
- Droit de la famille
- Droit des personnes LGBT+
- Procédures devant la Cour européenne des droits de l’homme
Quelques repères clés de son parcours :
- Plus de 30 ans d’expérience comme avocate
- Décision historique en 2008 devant la CEDH (adoption par les femmes lesbiennes)
- Auteure d’ouvrages de référence
- Conférencière sur les questions de justice et d’égalité
- Ancienne conseillère régionale et ancienne conseillère de Paris (2014-2020)
- Cabinet reconnu pour son engagement citoyen
Pro bono ou philanthropie ? Un cadre à clarifier
Pour Maître Mecary, la distinction est essentielle :
- La philanthropie est une notion importée du monde anglo-saxon
- Elle correspond à un modèle de société néolibéral, peu adapté à la France
- En France, la solidarité repose sur l’État et l’aide juridictionnelle
- Le pro bono est une action volontaire des avocats, en complément
Une pratique réfléchie, éthique et déontologique
Contrairement à certaines idées reçues, le pro bono est une pratique organisée :
- Mise en place de forfaits adaptés selon les étapes du contentieux
- Articulation possible avec l’aide juridictionnelle (AJ)
- Recours au financement participatif (crowdfunding) validé par le CNB
- Transparence et convention claire avec le client
Le moteur de l’engagement : une quête de justice
Depuis ses 14 ans, Caroline Mecary savait qu’elle deviendrait avocate. Sa motivation repose sur :
- Une aversion totale pour l’injustice
- La recherche de décisions justes, pour les citoyens
- Une spécialisation progressive vers les droits LGBT+
- Des victoires marquantes comme la condamnation de la France par la CEDH en 2008
Donner du sens à son métier d’avocat
Pour Maître Mecary, le pro bono n’est pas une option mais une composante du métier :
- Il permet d’aider les plus vulnérables
- Il donne une satisfaction morale unique
- Il participe à construire une carrière cohérente avec ses valeurs
- Il contribue à l’évolution du droit et des libertés
Des associations et initiatives emblématiques
L’engagement pro bono se traduit aussi collectivement à travers des associations :
- Droit d’Urgence : permanences gratuites pour les personnes précarisées
- Le Bus de la Solidarité : dispositif mobile pour les personnes sans-abri
- Barreau de Paris Solidarité : programme dédié aux actions bénévoles et organisateur des Trophées Pro Bono
2025 : une justice à défendre d’urgence
Pour Caroline Mecary, le pro bono n’est pas une cause en particulier à défendre, c’est l’état de la justice elle-même qui doit être défendue et remise en cause des acteurs de la justice :
- Délitement institutionnel depuis 2008
- Réduction des moyens et des effectifs
- Délais de traitement indécents (jusqu’à 4 ans)
- Risque de rupture d’égalité devant la justice
Une inspiration incarnée
Maître Mecary s’inspire de :
- Gisèle Halimi, modèle de son adolescence
- Ses propres combats, devenus sources d’inspiration pour d’autres avocats
Son exigence repose sur :
- La cohérence entre convictions et dossiers
- Le refus de défendre des positions contraires à ses valeurs
- L’importance de rester fidèle à la boussole du droit
Conclusion : Le pro bono, loin d’être une posture symbolique, est un outil juridique, éthique et politique. Il permet aux avocats de s’engager concrètement là où le droit vacille.
Points à retenir :
- Le pro bono n’est pas de la philanthropie mais une pratique encadrée et volontaire
- Il s’inscrit dans une tradition de solidarité et d’accès au droit
- Chaque dossier pro bono peut avoir un impact collectif
- Les avocats doivent protéger l’institution judiciaire menacée
- Les associations et trophées pro bono valorisent ces engagements
- L’exemple de Caroline Mecary illustre la puissance transformatrice du pro bono


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