Le harcèlement moral au travail

Marine Gautier - journaliste Avocat

Le harcèlement est le fait de soumettre une personne à d’incessantes petites attaques ou à des demandes, des critiques, des réclamations injustifiées. Ce sujet sensible se retrouve le plus souvent dans le monde du travail.
Pour preuve, en 2016, 40 % des salariés estiment leurs charges de travail excessives, 44% reçoivent des ordres contradictoires et 8% des salariés travaillent toujours sous pression (DARES : synthèse statistiques n°24, février 2019).
En faisant appel à un avocat spécialisé en droit du travail, vous bénéficierez de conseils personnalisés et d’une assistance juridique professionnelle. Il pourra vous conseiller, vous assister et vous défendre dans cette épreuve. Focus sur le harcèlement moral au travail : conditions, preuves, recours…
Harcelement moral au travail

Les éléments constitutifs du harcèlement moral

Le harcèlement moral au travail est défini par l’article L.1152-1 du Code du travail, lequel dispose que « aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
En pratique, le harcèlement moral répond à trois conditions :
Des agissements répétés :
Pour être constitutif de harcèlement moral, les agissements doivent être répétés. La répétition suppose au moins deux actes.  Qu’est-ce que ça signifie exactement ?

  • Un acte isolé, même s’il est répréhensible, n’est pas du harcèlement moral.
  • Il n’est pas nécessaire que les agissements incriminés interviennent à des intervalles rapprochés, ils peuvent être espacés dans le temps. La Cour de cassation (Chambre sociale du 25 septembre 2012, n° 11–17987) a considéré qu’un intervalle de deux ans entre les faits de harcèlement est admis.
  • La période de harcèlement peut être courte. Ainsi, quelques jours suffisent pour caractériser le harcèlement moral. En l’occurrence, les faits constitutifs de harcèlement moral ont duré 17 jours (Chambre sociale, 6 avril 2011, n° 09–71170)

Les agissements doivent avoir un auteur :
Il faut que ces agissements aient un auteur. On ne peut pas parler de harcèlement moral en cas de «  mauvaise ambiance au sein d’un service », ou en raison de « la sévérité de la Direction ».
Le harcèlement moral peut donc être le fait :

  • de l’employeur ;
  • de son représentant ;
  • d’un supérieur hiérarchique ;
  • ou plus généralement d’une personne ayant une fonction d’autorité :
    • il peut s’agir d’une personne ayant une autorité interne ou externe à l’entreprise (des clients ou donneurs d’ouvrage qui ont autorité sur le salarié, dans le cadre d’une mission d’intérim, d’un contrat de sous-traitance ou d’une mise à disposition),
    • ou de personnes disposant d’une autorité de fait comme les conjoints ou membres de la famille de l’employeur ;
  • d’un collègue (il n’est pas nécessaire qu’il existe un rapport hiérarchique).

Les conséquences produites par les agissements incriminés :
Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements doivent être susceptibles d’engendrer l’une ou l’autre des conséquences suivantes :

  • porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié : mise au placard, brimades, mesures vexatoires, humiliations ou encore manque de respect ou emportement de l’employeur ;
  • altérer la santé physique ou mentale du salarié : le salarié peut être contraint d’arrêter son travail pour dépression, de prendre des antidépresseurs, etc. ;
  • compromettre son avenir professionnel : lorsque le salarié ne fait finalement pas l’objet d’une promotion professionnelle.
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Les différends cas de harcèlement moral retenus par la jurisprudence :

1. Dénigrement et brimade

Le salarié avait reçu des ordres et des critiques d’une salariée qui se serait comportée comme sa supérieure et lui aurait lancé des quolibets. Elle avait aussi été destinataire de courriers « insistants » de son employeur (Chambre sociale, 24 juin 2009, n°07-43994).

2. Critique infondée

Le salarié a subi de nombreuses critiques répétées sur sa manière de travailler, dans des termes humiliants, devant ses collègues. Plus précisément, à chaque fois que l’employée effectuait son travail comme demandé, il était remis systématiquement en cause, sans vérification du supérieur. La dévalorisation du travail était permanente, elle subissait une agressivité injustifiée (Chambre sociale, 8 juillet 2009, n°08-41638).

3. Humiliation

Propos blessants et humiliants proférés de manière répétée par un supérieur hiérarchique (Chambre sociale, 12 juin 2014, n°13-13951). 

4. Mesures vexatoire

Le salarié avait fait l’objet de multiples mesures vexatoires, telles que l’envoi de notes contenant des remarques péjoratives assénées sur un ton péremptoire, des reproches sur son « incapacité professionnelle et psychologique » et sa présence « nuisible et inutile », le retrait des clés de son bureau, sa mise à l’écart du comité directeur, la diminution du taux horaire de sa rémunération (Chambre sociale, 26 mars 2013, n°11-27964).

5. Tâche dévalorisante

Le fait de confier à un salarié des tâches ne correspondant pas à sa qualification. C’est le cas lorsqu’un employeur interdit à sa salariée, coiffeuse, de coiffer ses clients et la cantonner exclusivement à des tâches de ménage ou de tenue de caisse (Cour d’appel de Paris, 9 septembre 2003).

6. Discrédit du salarié

Le fait de diminuer un salarié, de lui faire perdre confiance en lui, est constitutif d’harcèlement moral. En l’espèce, un employeur avait exercé de manière répétée des brimades à l’encontre d’un délégué syndical (tâches dévalorisantes qui ne correspondent pas à sa qualification, retenus sur salaire injustifiées) et l’avait discrédité auprès de ses collègues (Chambre criminelle, 6 février 2007, n°06-8260).

7. Tâche dépassant ses capacités

Le refus réitéré d’adapter le poste de travail du salarié ainsi que le fait de lui confier de manière habituelle des tâches qui dépassent ses fonctions et capacités, mettent en jeu sa santé (Chambre sociale, 7 janvier 2015, n°13-17602).

8. Mise au placard

Un salarié avait été “mis au placard” par son employeur qui l’avait placé d’un local exigu, sans chauffage décent en hiver et sans outil de travail. L’employeur avait demandé aux autres salariés de ne plus lui parler et avait mis en doute son équilibre psychologique. Au-delà de ces éléments, l’employeur avait un comportement excessivement autoritaire avec ce salarié (Chambre sociale, 29 juin 2005 n°03-44055).

9. Privation d’outils de travail

Le salarié privé d’outils de travail était victime d’harcèlement moral. En l’espèce, au retour de son congé maternité, la salariée a retrouvé ses affaires dans des cartons et n’avait plus de bureau ni d’ordinateur, de téléphone et le personnel ne lui adressait plus la parole suite aux directives de leur employeur (Cambre criminelle, 16 février 2010 n°09-84013).

10. Sanctions injustifiées

L’employeur qui prononce des sanctions injustifiées envers un de ses salariés sera responsable d’harcèlement. Ce qui est notamment le cas d’un avertissement infondé. Par exemple, un salarié à qui son employeur n’a jamais fait de reproche et qui se voit sanctionné par 4 avertissements infondés, est victime d’harcèlement moral (Chambre sociale, 22 mars 2007, n°04-48308).

11. Pression disciplinaire

Nombreuses convocations à des entretiens préalables dans le cadre de 4 procédures disciplinaires dont 2 restées sans suite pendant une période de fragilité du salarié et une inaptitude liée à son état dépressif résultant de la dégradation de ses conditions de travail  (Chambre sociale, 18 mars 2014, n°13-11174).

12. Harcèlement managérial

Le directeur de l’établissement soumettait ses salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l’intention de diviser l’équipe. Ces pratiques se traduisaient en ce qui concerne un des salarié, par sa mise à l’écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par l’intermédiaire d’un tableau (Chambre sociale, 10 novembre 2009 n° 07–45321).

Quelles sont les obligations de l’employeur face au harcèlement ?

· Obligation de prévention du harcèlement moral

L’employeur est tenu de prévenir toute situation de harcèlement moral au travail et doit ainsi prendre toutes les mesures nécessaires. Il s’agit d’une obligation de résultat : en cas de harcèlement, même provenant d’un autre salarié ou d’un supérieur hiérarchique, l’employeur a manqué à son obligation et le salarié a droit à une indemnisation.

· Interdiction de sanctionner la victime ou les dénonciateurs

La loi protège les victimes ainsi que les personnes témoignant ou relatant des faits de harcèlement : ces dernières ne peuvent en aucun cas subir des sanctions, discriminations ou licenciements pour avoir subi, refusé de subir ou dénoncé de tels faits (articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail). Tout licenciement prononcé en violation de ces dispositions est nul.
Lorsque le salarié est toujours présent dans l’entreprise, son travail, son comportement et ses relations avec ses collègues de travail altérées par le harcèlement moral qu’il subi entraînent parfois des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement. Confrontée à ces situations, la Cour de Cassation protège les salariés fragilisés :

  • Le comportement du salarié harcelé est une réaction au harcèlement moral et ne peut être justifié le licenciement (Cass. Soc.10 juillet 2019, n° 18-14317) : l’attitude de moins en moins collaborative ainsi que le fait de créer des dissensions au sein de l’équipe et de dénigrer le gérant était une réaction au harcèlement moral dont la salariée avait été victime.
  • Le licenciement du salarié pour absence prolongée n’est pas justifié en présence d’un harcèlement moral (Cass. Soc. 30 janvier 2019 n° 17-31473) : ayant fait ressortir le lien de causalité entre le harcèlement moral à l’origine de l’absence de la salariée et le motif du licenciement, l’absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l’absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l’entreprise.

 

Comment prouver le harcèlement moral ?

Afin de protéger le salarié harcelé, les règles de preuves sont allégées : il appartient au salarié harcelé de présenter des éléments laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, puis à l’employeur de prouver que les faits sont étrangers à tout harcèlement moral. Et enfin, au juge d’examiner l’ensemble des éléments pour déterminer s’il y a harcèlement moral (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-19.527).
 

  • Le salarié doit apporter la preuve des faits

La charge de la preuve d’un harcèlement moral ne repose plus sur le salarié (Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-19.527). Il doit simplement apporter la preuve de la matérialité des faits qui selon lui caractérisent le harcèlement moral. Il est nécessaire de rapporter des preuves tangibles, écrites et loyales. Autrement dit, la preuve ne doit pas avoir été obtenue de façon frauduleuse par des stratagèmes déloyaux. Beaucoup de victimes sont tentées d’enregistrer leur harceleur à leur insu. Ce procédé est considéré comme déloyal et frauduleux. Aussi, il n’est pas recevable devant les tribunaux.
Il existe également des preuves qui, bien que loyales, ne sont pas pertinentes devant les tribunaux. C’est le cas des attestations des proches, de la famille, des amis.
Alors concrètement, quelles preuves sont tangibles et loyales ?

  • Les attestations de médecins (médecin traitant, notamment au moment des faits, et médecin du travail) ;
  • Les attestations de vos collègues ;
  • Les attestations de témoins ;
  • Des écrits qui mettent en avant des propos déplacés, menaçants, agressifs : des mails reçus, des documents annotés etc.

2) L’employeur doit démontrer que les faits établis par le salarié ne correspondent pas à une situation de harcèlement.
Une fois, les faits établis par le salarié, il existe une « présomption simple » de harcèlement moral. C’est-à-dire que les preuves fournis par le salarié peuvent être « renversées » par l’employeur, en apportant la preuve contraire. L’employeur devra donc expliquer les raisons pour lesquels les faits établis par le salarié étaient nécessaires à l’intérêt de l’entreprise et non harcelantes.

Victime de harcèlement moral : Que faire ? Quels recours ?

La victime de harcèlement moral a plusieurs recours à sa disposition pour faire cesser cette situation :

  • Les représentants du personnel (CSE ; CHSCT s’il existe encore).

Ils assisteront la victime dans toutes ses démarches pour faire cesser cette situation. Ils bénéficient en outre d’un droit d’alerte à l’égard de l’employeur sur les agissements de harcèlement moral portés à leur connaissance. C’est-à-dire que les représentants du personnel vont informer l’employeur de la situation au sein de l’entreprise afin que ce dernier mette en place une solution pour remédier au harcèlement.

Bon à savoir : suite à une dénonciation de harcèlement, l’employeur est tenu de déclencher une enquête interne et contradictoire. Il doit entendre les arguments du salarié prétendu victime de harcèlement et de celui qui en est accusé. À défaut, l’employeur court le risque de se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité (Chambre sociale, 27 novembre 2019, n° 18-10551).

  • L’inspection du travail. L’inspection du travail est compétente pour constater tout fait de harcèlement moral au sein d’une entreprise et assister la victime dans la transmission de son dossier à la justice.

 

  • La médiation. La victime peut faire appel à un médiateur pour une tentative de conciliation avec le harceleur présumé (il faut l’accord de l’auteur). À l’issue de cette conciliation, le médiateur transmet par écrit des propositions de résolution du litige aux parties. En cas d’échec de la médiation, le médiateur informera la victime sur la manière de faire valoir vos droits en justice.

 

  • Action en justice. La victime peut faire valoir vos droits face à un juge et obtenir indemnisation pour les préjudices qu’elle a subi.

Saisir le conseil des prud’hommes

Le conseil de prud’hommes peut être saisi pour obtenir réparation du préjudice subi. Dans ce cas, la procédure aura lieu contre l’employeur, et ce même si ce n’est pas lui l’auteur direct du harcèlement (article L.1152-5 du Code du travail). L’employeur sera en effet jugé pour ne pas avoir protégé le salarié contre le harcèlement.
Si la victime a alerté les représentants du personnel et que l’employeur n’a pas remédié à la situation, elle a la possibilité de saisir directement (par requête) le bureau de jugement des prud’hommes sans phase préalable de conciliation. Le juge va alors statuer en urgence sous la forme d’un « référé » pour faire cesser immédiatement le harcèlement.
Le salarié a 5 ans après le dernier fait de harcèlement pour saisir le conseil de prud’hommes. La justice prendra alors en compte tous les faits de harcèlement venant du même auteur. Et ce même si le harcèlement dure depuis plusieurs années.
En revanche, si la victime travaille dans le secteur public, elle devra saisir le Tribunal administratif au lieu du conseil des prud’hommes.

Saisir le juge pénal

Le juge pénal peut être saisi pour poursuivre l’auteur direct du harcèlement. Cette plainte peut venir en complément d’une plainte aux prud’hommes contre l’employeur. Par exemple, le salarié poursuit son employeur aux prud’hommes, et l’auteur du harcèlement (collègue, responsable hiérarchique, représentant syndical, client, fournisseur …) au pénal.
La victime d’un harcèlement moral peut porter plainte dans un délai de 6 ans à partir du fait le plus récent de harcèlement. La justice prendra alors en compte tous les faits de harcèlement venant du même auteur. Et ce même si le harcèlement dure depuis plusieurs années.

Saisir le Défenseur des droits

Si le harcèlement moral paraît motivé par une discrimination basée sur un des critères interdits par la loi, comme par exemple la couleur de la peau, le sexe, l’âge ou l’orientation sexuelle, le salarié victime peut aussi saisir le Défenseur des droits.

Quelles sont les sanctions ?

L’auteur du harcèlement moral s’expose à des sanctions disciplinaires, prises par l’employeur, et pénales, prises par la justice.

Sanctions disciplinaires

L’employeur qui se voit rapporter des faits de harcèlement moral au sein de son entreprise doit mener une enquête interne pour établir la réalité de celui-ci. Si, suite à cette enquête, le harcèlement moral est prouvé, l’employeur peut prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre du harceleur. Ces sanctions peuvent aller jusqu’au licenciement pour faute.

Sanctions pénales

L’article 222-33-2 du Code pénal dispose que « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».
L’auteur peut donc être condamné à une peine d’emprisonnement et à une amende.
Bon à savoir : si la victime porte plainte avec constitution de partie civile, la justice pénale peut condamner l’auteur des faits au versement de dommages et intérêts pour la victime (pour les remboursement des frais médicaux, l’indemnisation du préjudice moral…).

Exemple de lettre à télécharger pour dénoncer le harcèlement moral au travail

Pdf: Exemple de lettre pour dénoncer le harcèlement moral au travail
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