L’affaire Kerviel : les explications d’une histoire sans fin

Comment l’affaire Kerviel avec la Société Générale a-t-elle débuté ?

Le 24 janvier 2008, le PDG de la Société Générale, Daniel Bouton, déclarait officiellement une énorme perte de 4,9 milliards d’euros sur les marchés. Il a ajouté que cet événement désastreux a été provoqué par un jeune opérateur de marchés âgé de la trentaine, Jérôme Kerviel, qualifié selon ses dires d’escroc, de fraudeur et de terroriste.

Risque opérationnel et perte dans l’affaire Kerviel : pourquoi ?

Employé depuis 3 ans dans la banque, Jérôme Kerviel aurait engagé une somme de 50 milliards d’euros sur les marchés dans le cadre de ses fonctions, et ce, de manière frauduleuse. Il s’agit d’un montant phénoménal, supérieur aux fonds propres de la grande firme. Malgré les bénéfices générés s’élevant à plus de 1 milliard d’euros en 2007, le trader a essuyé divers échecs qui ont causé des pertes colossales à la Société Générale. Cette dernière a essayé de liquider les positions à risques en vendant 60 milliards d’euros d’options à un moment défavorable au niveau boursier. Par la suite, la banque a perdu 6,3 milliards d’euros, malgré la compensation de 1,4 milliard d’euros de bénéfices réalisée par Jérôme Kerviel.

Les conflits ont commencé avec la mise en examen de ce dernier pour « tentative d’escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux et introduction dans un système informatisé de traitement automatisé de données informatiques ». Le trader a été immédiatement placé en détention provisoire jusqu’en mars 2008.

Malgré les chefs d’inculpation engagés contre le jeune trader, l’enquête a révélé que ce dernier n’avait pas l’intention de s’enrichir personnellement. D’ailleurs, il a même été félicité par ses supérieurs hiérarchiques, bien que le système de fraude ait déjà été mis en place. Jérôme Kerviel a pour sa part souligné que ses responsables lui ont accordé des commissions exceptionnelles.

Comment se sont déroulées les procédures ?

Suite à de nombreuses plaintes portées contre elle, la Société Générale a été condamnée, en mars 2008, au paiement d’une amende de 4 millions d’euros par la Commission bancaire en raison de la défaillance des systèmes de contrôle au niveau de sa hiérarchie. Le 5 octobre 2010, Jérôme Kerviel est poursuivi en justice par la grande banque pour « abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système automatisé et de faux et usage de faux ». Il est ensuite condamné à 5 ans d’emprisonnement, dont 2 ans de sursis. En plus de cette sanction, le trader doit verser 4,9 milliards d’euros à la Société Générale pour réparer le préjudice causé.

Toutefois, le dossier n’a pas été clôturé. Jérôme Kerviel a fait appel audit jugement, mais n’a obtenu une réponse qu’en 2012. En mars 2014, son combat a partiellement porté ses fruits avec la réduction de ses dommages-intérêts. Le 23 septembre de la même année, la Cour d’appel de Versailles a évalué à 1 million d’euros la somme à verser à la banque.

Parallèlement, la Société Générale lui doit 450 000 euros pour cause de licenciement sans « cause réelle ni sérieuse ». Le Conseil de Prud’hommes de Paris a déclaré que la banque l’a licencié pour des faits déjà prescrits et que cette somme englobait les indemnités relatives aux conditions vexatoires de son licenciement, aux dommages-intérêts et aux congés payés.

Bien que le trader ait déjà contre-attaqué en déposant plainte contre la banque pour « faux » et « escroquerie au jugement » en 2012, il reste dans une situation critique avec ses condamnations.
L’initiative de Jérôme a par ailleurs entraîné le témoignage d’une policière de la brigade financière, Nathalie Le Roy, qui aurait déclaré avoir fait l’objet « d’instrumentalisation » par la banque lors de l’enquête qu’elle a menée.

Malheureusement, le recours en cassation de l’affaire Kerviel n’a donné aucune suite favorable au trader.

L’affaire est-elle close ?

Après un long silence sur cette affaire, un nouveau rebondissement judiciaire s’est produit à l’encontre de la Société Générale. D’après les informations collectées, une somme de 2,2 milliards d’euros a été versée à la banque par l’État, et ce, pour compenser ses pertes financières. D’ailleurs, une poursuite judiciaire contre le groupe a été engagée par l’association de lutte contre la corruption Anticor suite à un vote de son conseil d’administration. Selon le parquet de Versailles, l’action en justice aurait pour motif le délit de « concussion » relatif à l’octroi d’un crédit d’impôt. La plainte a été déposée contre X le 6 février 2019. L’ex-porte-parole d’Europe Écologie-Les Verts, Julien Bayou, s’est porté partie civile au procès.

En guise de rappel, la concussion est un délit qui vise, pour une personne dépositaire de l’autorité publique, à bénéficier des droits, des contributions, des taxes et des impôts publics indus. Autrement dit, des avantages fiscaux auraient été accordés à la banque bien que cette dernière n’aurait pas dû y avoir droit, et ce, en raison des failles dans son système de contrôle.

Face à ce rebondissement, le groupe a affirmé, dans un rapport annuel, qu’il n’a pas encore obtenu de notification de la part du fisc, puisqu’il n’a pas prélevé la ristourne de ses résultats. Actuellement, l’administration n’a pas encore dévoilé sa position et ses avis sur l’affaire. Malgré ces faits plus ou moins inquiétants, la grande firme reste sur ses gardes. Selon ses prévisions, « une telle situation ne se produira pas avant plusieurs années ». De plus, si jamais l’administration décidait de notifier ledit redressement, « Le groupe Société Générale ne manquerait pas de faire valoir ses droits devant les juridictions compétentes », renforce le porte-parole de la banque.

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