Jugement pour diffamation : l’affaire Mediapart

Justifit

Comment différencier la liberté d’expression de la diffamation ? La liberté d’expression est un droit fondamental permettant à un individu de s’exprimer librement. Elle est définie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme 1789. Cependant, cette liberté est limitée. Ainsi, avant de publier un article dénonciateur sur un blog, il est conseillé de consulter un avocat expert en droit pénal ou un avocat spécialisé en matière de diffamation. La liberté de presse se base sur le concept de la liberté d’expression. Ainsi, elle a des limites à ne pas franchir telles que la diffamation ou les injures. Qu’est-ce que la diffamation ? Quels sont les éléments constitutifs de la plainte pour diffamation de Mediapart ?

Jugement pour diffamation : l’affaire Mediapart

Diffamation : que dit la loi ?

Pour bien comprendre l’affaire de diffamation à l’encontre de Mediapart, il est nécessaire de connaitre la définition de la diffamation.
Selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute allégation portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’un individu constitue une diffamation.
Une diffamation peut être une affirmation vraie ou fausse.

La diffamation publique

La diffamation est publique si l’allégation est accessible à un public autre que l’auteur, la victime et les personnes concernées par les faits.

La diffamation privée

La diffamation est privée si elle a été prononcée par l’auteur à la victime en l’absence d’une tierce personne ou devant les personnes concernées par les faits uniquement.

La diffamation selon le Code pénal

La diffamation est une infraction passible d’une amende et de poursuites en justice. Le montant de l’amende varie suivant le type de diffamation. Selon les articles R.621-1 et R.621-2 du Code pénal, la diffamation privée est passible d’une contravention de 1re classe de 38 €. Pour une diffamation publique, l’auteur peut être condamné à une amende de 12 000 €. Celle-ci peut atteindre 45 000 € avec un an d’emprisonnement si l’infraction concerne des propos religieux ou raciaux.
Bon à savoir :
Deux personnes échangeant des propos diffamatoires en privé et dans un cadre confidentiel ne peuvent pas être poursuivies pour diffamation.

CTA Banner

Besoin d'un avocat ?

Nous vous mettons en relation avec l’avocat qu’il vous faut, près de chez vous.

Les éléments constitutifs de la diffamation

Pour justifier une diffamation, il est nécessaire de prouver l’existence des éléments matériels et moraux de l’infraction.

Les éléments matériels de la diffamation

D’abord, une diffamation doit être constituée par une allégation, une imputation ou une publication de propos négatifs ou de jugements de valeur de la part de l’auteur.
Ensuite, elle doit porter sur des propos précis et déterminés. En effet, faire de vagues affirmations ne constitue en rien une diffamation.
Enfin, les propos doivent porter atteinte à une personne physique ou morale identifiable, que ce soit directement ou par un pseudonyme.
À noter :
Une allégation est la reproduction d’un propos diffamatoire d’une tierce personne tandis qu’une imputation est une affirmation dont la responsabilité revient à l’auteur.

L’élément moral de la diffamation

L’auteur doit connaitre le caractère diffamatoire de ses actions ainsi que de leur portée sur la victime. Dès qu’une plainte pour diffamation est déposée, l’intention coupable est présumée. Exceptionnellement, l’auteur peut apporter les preuves de la véracité de ses propos afin de démontrer leur légitimité dans le cas où ils ne touchent pas la vie privée de la victime.
Bon à savoir :
L’intention coupable de l’auteur peut être justifiée si ses actions sont fondées sur la sincérité ou  la poursuite d’un but légitime, tel que l’intention d’informer et non de nuire.

Mediapart : procès pour diffamation

Mediapart est un site d’informations français. Il héberge à la fois des articles de presse rédigés par ses équipes et les articles de ses utilisateurs. Accusé pour diffamation par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le ministre des outre-mer Sébastien Lecornu, il comparait devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris le vendredi 11 septembre 2020.

Affaires Darmanin et Lecornu contre Mediapart : les faits

En août 2017, Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin passent leurs vacances dans une villa appartenant à l’ex-compagne d’un repris de justice accusé pour trafic de drogues. À l’époque des faits, ils occupent respectivement les fonctions de Secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire et de ministre de l’Action et des Comptes publics. Le 16 août de la même année, le site d’actualités Mediapart publie un article annonçant que : « deux ministres louent la villa en Corse d’un repris de justice ». En réaction, les principaux concernés déposent alors plainte pour diffamation. Selon eux, le but de l’article est de nuire et d’avancer des informations inexactes, car ils ne savaient pas que la propriétaire de la villa est l’ex-compagne d’un repris de justice. De plus, celle-ci n’a jamais fait l’objet d’une condamnation en justice. Le dossier est transmis au tribunal correctionnel de Paris et l’audience se tient le 11 septembre 2020.

Un article d’alerte

Au cours de l’audience, le directeur de publication de Mediapart, Edwy Plenel, plaide la bonne foi de la journaliste à l’origine de l’article incriminé. Il soutient que le but de l’autrice était de dénoncer l’omission par les services de l’État de prévenir les deux plaignants qu’ils séjourneraient chez une personne reprise de justice. En effet, la journaliste qualifie cet acte de « grave défaillance » des services publics. Par ailleurs, elle souligne que, même si la propriétaire de la villa et son ex-compagnon sont officiellement divorcés, ils vivent encore ensemble et ont accueilli Darmanin et Lecornu à leur arrivée en Corse. Cependant, cette information concernant leur accueil est démentie par les plaignants.

Inexistence du caractère diffamatoire selon le Parquet

Selon le procureur, le propos « chez un repris de justice » ne présente pas un caractère diffamatoire, car il ne nuit pas à la considération et à l’honneur des deux plaignants. En outre, il indique qu’« une certaine dose d’exagération» est acceptable pour un titre de presse et que celui de Mediapart est basé seulement sur les faits. Cependant, aucune décision n’a encore été rendue par le juge. Le jugement est attendu le 13 novembre 2020.
Pour résumer, la diffamation est une limite à la liberté d’expression et la liberté de presse. Elle est constituée par des éléments matériel et moral. En cas de saisine du juge pour diffamation, celui-ci apprécie le caractère diffamatoire des propos de l’accusé, comme dans l’affaire Darmanin et Lecornu contre Mediapart.